Jeux de mots

C'est toujours la même histoire : une chambre aux volets clos, au petit matin, mon corps d'ours assis sur un vieux fauteuil de bureau, mes index épais martelant mon clavier d'ordinateur, mon visage faiblement éclairé par le blanc d'une page de traitement de texte qui me réclame un morceau de vie.

Pour ma part, écrire n'est pas une discipline mais une nécessité. C'est peut-être, entre autres, une façon de faire le ménage dans le chaos de mon esprit, non pas que je mette ici tout à plat (je raconte ce que je veux bien raconter, même si j'essaye de ne mentir que par omission) mais disons que le fait de structurer certaines pensées en écrivant finit par influer sur la façon dont je gère les autres, celles qui me viennent et que je ne transforme pas en prose.

Voilà plus de 20 ans que j'écris tous les jours, que j'extrais des mots d'un quotidien d'une affligeante banalité, celle à laquelle la maladie me contraint, psychologiquement et physiquement, et ce de plus en plus. Je me dis que si j'avais eu une vie plus aventureuse, mes textes n'auraient été que meilleurs, plus consistants, mais après tout, il y avait une place à prendre : l'écrivain de l'insignifiance, perdu sur la toile, lu par une poignée de fidèles lecteurs.

Je sais mes défauts. Mes phrases sont courtes, comme une respiration qui peine, par manque d'endurance, sans doute. Mes textes ne dépassent que rarement une page. La pandémie et l'isolement qu'elle engendre ont eu raison de mon inspiration. Je suis un écrivain de bistro, privé de ses personnages. J'ai bien pondu quelques nouvelles (quelques-unes sont d'ailleurs sur ce blog, planquées dans les 380 articles que j'ai posté en 10 ans.) mais c'est un exercice qui ne me vient pas naturellement, même si je peux y trouver un certain plaisir. Je me dis parfois que je devrais m'y remettre, créer l'habitude comme je l'ai fait pour ces billets d'humeur. 

Quant aux deux livres que j'ai écrits, il est fort à parier qu'ils resteront au fond du tiroir où ils prennent la poussière depuis des années. Je ne sais pas me vendre et puis quel éditeur voudrait de ces choses étranges ? Le roman est à la mode et ne laisse guère de place à d'autre formes d'expression. De plus, le monde de l'édition est un milieu assez fermé, avec ses codes, ses entrées.

Il n'est pas toujours nécessaire de savoir bien écrire pour être édité, certes, mais encore faut-il correspondre à une demande. C'est un business.

Et puis je sais ce que je vaux. Je n'ai pas de prétention. Pas suffisamment pour être vraiment blessé par le fait de rester dans l'ombre.

Il faut dire que la lumière peut être si cruelle de nos jours...