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Le blog de memoires-polaroides

Le blog de memoires-polaroides

Ce blog raconte en majeure partie la vie de son auteur. Au fil de ses articles, ce dernier livre ses états d'âme et dépeint le monde qui l'entoure à sa façon.


Blues 6

Publié par memoires-polaroides sur 24 Septembre 2014, 13:50pm

Blues 6

Jarrett pose ses accords au creux de mes oreilles fragiles, ceux du concert de Cologne, un mythe. J'ai froid. Mes os semblent glacés. J'ai l'impression qu'ils empêchent ma viande de se réchauffer. Manque de sommeil. Rien avalé ce matin. Médicaments. Résultat. Je suis content d'avoir dans mon sac un vieux pull, même s'il est déchiré sous les bras. L'enfiler, c'est comme se glisser dans un lit douillet. J'essaye de prendre soin de moi comme je le ferais d'un ami. J'ai assisté à ma vie entière alors je me dois bien ça, cette prévenance... Je suis au bistrot à côté du cabinet de mon psy. Quelques bonhommes s'alcoolisent au comptoir en refaisant le monde pire qu'il n'est. Ils racontent leurs exploits, jamais leurs faiblesses, leurs hontes, leurs culpabilités, ni ces moments où la porte de leur appartement se referme et où ils se mettent à chialer. On ne frime pas avec ça. On s'effondre à l'abri des regards. Ces types, ces grandes gueules anisées, s'étouffent dans leur rôle d'homme, chassent les moindres gestes et attitudes suspectes qui pourrait trahir une manière, une délicatesse qu'ils laissent volontiers aux folles. La sensibilité est repoussée du balai comme s'il s'agissait d'un rat porteur de la peste.
Mon psy m'a dit quelques mots efficaces qui m'ont fait oublier la brièveté de nos séances bimensuelles. On peut bavarder des heures avec quelqu'un sans en garder la moindre trace. A contrario, je me souviens de certaines phrases que l'on m'a dites il y a 20 ans. Elles ont explosé dans ma tête, laissant un cratère qui jamais ne se comblera. Il s'agit la plupart du temps de vérités habilement formulées et balancées au moment opportun. Je ne crois pas qu'il faille parler beaucoup pour générer une prise de conscience chez quelqu'un.
Il y a de plus en plus de monde dans ce rade. Le volume sonore est passé un cran au dessus. Keith martèle son Steinway en vain. Mes mains sont froides. J'ai l'impression d'être un vieil homme fragile en fin de vie. Je vais rentrer manger et dormir. Je ne peux pas me laisser comme ça. Les mecs quittent un à un le comptoir pour aller se glisser les pieds sous la table. On dirait des porcelets repus lâchant la tétine de leur mère couchée sur le flanc. Tout ce beau monde prend la route sans scrupule, une tradition bien française. Les bons vivants font aussi des bons morts...

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