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Le blog de memoires-polaroides

Le blog de memoires-polaroides

Ce blog raconte en majeure partie la vie de son auteur. Au fil de ses articles, ce dernier livre ses états d'âme et dépeint le monde qui l'entoure à sa façon.


Blues

Publié par memoires-polaroides sur 9 Septembre 2014, 13:08pm

Blues

Me revoilà en bas. Il y a trois jours, j'étais en haut. En bas, en haut, en bas, en haut, c'est ma vie de bipolaire. Je n'ai plus envie de fraterniser. L'humain me file le cafard. Ça ira mieux demain. Aller mieux est presque toujours associé à demain en ce qui me concerne. Je suis à l'hôtel J. où j'essaye de me calmer. Ma misanthropie ne supprime pas mon besoin de voir du monde. Quelques bourgeois parlent à voix basse, décident de leurs futurs placements. Des peignoirs blancs arpentent l'allée principale en faisant claquer leurs tongs assorties. Ma maladie est un cancer de l'âme. Elle ne me laisse aucune chance. Mes phrases sont courtes aujourd'hui, comme mon souffle bloqué dans ma poitrine. Dans cette société, je suis comme un criquet dans une fourmilière. J'avance tant bien que mal en me faisant bouffer de toute part. Je sais que je ne survivrai pas à ce qui se prépare car trop fragile. Je suis une proie facile. Je vais rentrer chez moi en essayant de prendre conscience qu'un voile sombre est devant mes yeux et qu'il m'empêche de voir les choses telles qu'elles sont pour le commun des mortels. Peut-être que ça m'aidera. Le monde n'est pas si noir, n'est-ce pas? Pas ici. Pas encore.

Ma voiture file sur la nationale me conduisant dans ma ville que je n'aime pas. C'est stupide mais dans cette ferraille et ce plastique domestiqués, je me sens à l'abri alors qu'il n'y a pas plus dangereux endroit. J'ai mis un disque de Jordi Savall, les Voix Humaines, un truc à vous faire gonfler radicalement la tristesse. Un type me double en trombe, rasant mon pare choc arrière. On avance jamais assez vite pour ces cons.

J'arrive chez moi. Parking souterrain. Ascenseur. Je referme la porte de mon appartement sans soulagement. Je me mets à poil, enfonce des bouchons dans mes oreilles et plonge dans mon grand lit pour entamer une brasse vers l'oubli. Le sommeil me prend rapidement. Mes rêves me consolent toujours de cette vie où l'on ne choisit rien.

Réveil. Dans le cirage, je tire des bords vers le frigo à la recherche d'eau fraîche. Il est presque 21 heures. Je me réjouis d'avoir raté la soirée. Dans le calme de mon immeuble, la nuit s'offre enfin à moi. Ce temps m'appartient. J'écris un paragraphe que j'efface juste après. J'attends une déclaration d'amour qui jamais ne viendra, un truc qui me fasse fondre comme du beurre sur un radiateur brûlant. Que nous reste-t-il d'autre ? J'envoie quelques SMS comme autant de bouteilles à la mer et m'affale sur mon lit, énième démission. Le monde ne peut pas être sombre à ce point, accueillant comme un caveau. C'est mon cerveau qui est ainsi fait. Je me lève, m'habille et sors. Un coup de tête. Une façon de refuser la fatalité.

Le café de la Rose d'Or est encore ouvert. J'ai passé la frontière. Les déglingués de Meyrin viennent voir s'agiter les derniers humains avant le sommeil, pour ceux qui réussissent à le trouver. Sur la terrasse où je suis installé, il y a un type si ridé qu'il est impossible de voir son vrai visage. Il dégage une gentillesse ou une peur, je ne sais pas. Il a toujours sa petite mousse et son paquet de blondes à côté. Il semble faire preuve de tempérance. Dans le café, on se prépare à la fermeture, certains néons s'éteignent, on sort les poubelles. Le patron est au milieu de l'agitation et ne sait pas quoi faire pour participer sans se fatiguer, sans nuire à son statut. J'ai un peu froid. Le type ridé enfile son blouson, met ses cigarettes dans sa poche, déplie ses cannes de héron et s'en va dans sa brume, je ne sais où. Je pose quelques pièces sur la table et m'en vais à mon tour.

Je monte dans ma voiture et fais tourner le disque des Voix Humaines. Je pleure un peu et mets le contact. C'est agréable de rouler la nuit.

J'arrive chez moi. Parking souterrain. Ascenseur. Je referme la porte de mon appartement sans soulagement. Je mange un peu et me couche. Il se peut que demain soit une journée exceptionnelle.

En bas, en haut, en bas, en haut, en bas, en haut... Avec une nette préférence pour le bas. C'est peut-être tout simplement une histoire d'attraction. Le cerveau semble connaître lui aussi une loi de l’apesanteur.

On a une vie pour la défier.

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