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Le blog de memoires-polaroides

Le blog de memoires-polaroides

Ce blog raconte en majeure partie la vie de son auteur. Au fil de ses articles, ce dernier livre ses états d'âme et dépeint le monde qui l'entoure à sa façon.


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Publié par memoires-polaroides sur 5 Février 2015, 21:35pm

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Un type passe sur un lit roulant énorme, emmitouflé dans des draps blancs. On ne voit que sa tête rougeaude. Deux infirmières l'accompagnent. Une le tire et l'autre le pousse. Elles papotent, échangent une recette de cuisine. Les infirmières ne sont jamais laides, à cause du mythe, sans doute. Ma mère doit subir une injection d'un anti-inflammatoire puissant. Je l'attends. Avec un son de mauvaise qualité, la télé accrochée au mur émiette des commentaires sportifs soporifiques. Ils ont mis Eurosport puis probablement jeté la télécommande. Le sport à la télé, c'est neutre. Il ne s'y passe rien de grave, enfin, rarement. Je suis de ces hypocondriaques qui n'aiment ni les hôpitaux, ni les médecins. Je pars du principe que c'est dans les scanners qu'on attrape les cancers et que la grippe saute sur les patients innocents dans les salles d'attente des généralistes. Je reste donc chez moi où je n'attrape jamais rien, si ce n'est le blues. Devant la salle d'attente où je poireaute, les médecins défilent avec un air blasé, blouse ouverte. Une routine s'est installée et a eu raison de leur fougue de jeunes diplômés. Seul le ronronnement de leur V6 les réveille lorsqu'ils quittent le parking après leur service. Ce bruit rassurant et viril marque le début de leur vraie vie, celle du dehors. Les femmes, le golf, la notoriété, tout ça... Je sais, ce ne sont que de vilains poncifs. Ils aiment peut-être leur métier pour la plupart mais c'est que je n'arrive pas à leur faire confiance. Je ne suis pas certain qu'ils aient beaucoup d'empathie. Je serai soulagé lorsqu'ils me rendront ma mère en bonne forme. Il y a quelques mois, j'ai passé 48 heures ici pour me faire enlever un lipome. C'est bizarre, je me suis immédiatement emmerdé. Ça n'est pas venu progressivement. Un ennui abyssal s'est emparé de moi après mon anesthésie avec des minutes comme des heures sur une pendule qui paraissait définitivement coincée. Le type avec qui je partageais la chambre était là depuis trois semaines, un véritable héros. On m'aurait collé une semaine de plus, j'aurais fait appel de ma condamnation. Un toubib sort de la salle où l'on s'occupe de ma mère. Un autre rentre avec un dossier sous le bras. Ce mouvement ne me dis rien qui vaille. La porte se referme avec un petit clic. Je fixe un instant le couloir où plus rien ne bouge puis retourne à mon Moleskine. Des bruits de pas, ma mère! Elle est épaulée pas une infirmière joviale. Ils l'ont épargnée! Ils me l'ont rendue! Je n'étais pas tranquille. La piqûre ne l'a pas tant fait souffrir, pas autant que son appréhension. L'angoisse, ce fanatisme du pire... Le type repasse sur son lit roulant avec les deux infirmières. Il a l'air plus détendu, esquisse un sourire. Ça a dû bien se passer pour lui. Les deux femmes lèvent brièvement la tête pour regarder la télé. Il y a du saut à ski, une discipline grotesque, s'il en est. On s'en va. Je veux respirer les gaz d'échappement, beaucoup moins nocifs que l'air aseptisé de l'hôpital. Je veux du bruit, celui des avions, des bagnoles, des trams. Et puis je veux mourir d'un coup, sans soins inutiles, sans agonie, comme mon père et mon grand-père. Mais en ce moment, je ne suis pas pressé.

Du tout.

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