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Le blog de memoires-polaroides

Le blog de memoires-polaroides

Ce blog raconte en majeure partie la vie de son auteur. Au fil de ses articles, ce dernier livre ses états d'âme et dépeint le monde qui l'entoure à sa façon.


Une paix blanche

Publié par memoires-polaroides sur 25 Février 2016, 09:04am

Une paix blanche

Si je fais abstraction de la belle et ténébreuse employée qui s'adonne à du découpage derrière son bureau de ministre, je suis seul dans la bibliothèque. Dehors, il tombe de la neige fondue qui épaissit la boue blanchâtre tapissant déjà le béton. J'ai les yeux rivés sur ma tablette. J'entends le bruit léger des voitures qui passent dans la rue et celui des ciseaux qui se croisent par petits coups secs. J'entends aussi le sifflement de mes acouphènes mais je refuse de leur donner le statut de tortionnaires et les relègue au rang de vulgaires parasites.

C'est le début de l'après-midi. La neige tombe avec la même intensité depuis ce matin. J'aimerais qu'elle tombe indéfiniment, qu'elle s'accumule sur des mètres et des mètres d'épaisseur et que l'on ne voit plus rien de mon pays et de ses couleurs abjectes. Je voudrais qu'elle monte suffisamment haut pour faire disparaître les panneaux publicitaires, les antennes satellites, les clochers des églises, les monuments aux morts pour la France, les tours de contrôle, les drapeaux des casernes, les caméras de surveillance... On creuserait des tunnels dans la glace profonde, sans soucis de rentabilité, uniquement pour se retrouver et s'aimer, se baiser sous de chaudes couvertures. Il n'y aurait plus de foule, seulement des rencontres intimes.

La météo prévoit une bonne pluie pour ce soir. Toute cette flotte va rendre à mon pays sa laideur en faisant fondre la neige qui le recouvre.

Je regarde tous ces bouquins qui m'entourent, serrés, classés, bichonnés. Chacun renferme un monde fait de vérités, de mensonges, d'histoires. Je ne les lirai pas. Je ne lis presque plus. Ils garderont leurs secrets mais je ne pourrai pas m'empêcher de les regarder avec envie, comme un diabétique devant des pâtisseries. Je viens ici pour écrire dans la lumière qu'offrent les grandes baies vitrées, derrière un mur de bouquins fantasmatique et dans un relatif silence. Je dis relatif car dans cet endroit, on ne chuchote pas mais on parle presque comme au café. La direction a misé sur la convivialité au détriment du calme et je le déplore. Je suis jaloux des bibliothèques où l'on ose à peine tourner les pages des livres, où l'on redoute d'entendre craquer le parquet en marchant, où même les mouches évitent de voler. Ici, il y a des gens qui reçoivent des appels sur leur portable, décrochent et entament une conversation sans culpabiliser le moins du monde. C'est ainsi. Nous vivons dans un univers où le bruit est omniprésent. Le silence est une chose très rare et même si je me réfugie en pleine nature, le trafic aérien se chargera de me le polluer. C'est seulement au plus profond de la nuit, quand tout le monde dort, qu'une véritable paix s'installe. Si je suis encore éveillé pendant ces heures précieuses, j'en profite pour me reposer l'esprit et écrire.

Je ne suis vraiment bien que lorsque je suis loin des hommes, au calme. Toutefois, je dois avouer qu'au bout d'un moment, il me faut rétablir le contact. Il s'agit d'un besoin irrépressible. C'est un ennui profond qui me pousse à nouveau à me sociabiliser. Inversement, aller jusqu'au dégoût de l'autre est la condition pour jouir de mon repli. Ma solitude et ma vie sociale se nourrissent l'une l'autre. Voilà un cycle qui ne s'arrêtera qu'à ma mort.

Des gens bruyants pénètrent dans la bibliothèque. Je ne serais pas étonné qu'ils commandent quelques bières pression ainsi que des sandwichs.

C'est la fin de ma pause.

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