Affrontement

Réveil difficile. Moralement, je veux dire. J'ai la sensation que le bon sens et la bienveillance ne l'emporteront pas, cédant entièrement la place à la violence. Pas besoin d'être grand clerc pour arriver à cette conclusion. Les images du congrès américain envahi hier par une petite troupe de militants pro-Trump font peur. Ça en dit long sur l'attitude future des suprémacistes blancs qui se sentent de plus en plus menacés et n'hésiteront pas à sortir les flingues pour défendre leur soit-disant possession de cette terre américaine, comme ils l'ont déjà fait récemment. L'Amérique, cette « grande nation » qui s'est d'abord débarrassée des indiens en les massacrant puis en les parquant, qui s'est bâtie grâce à l'esclavage des Noirs, est en pleine mutation. Les laissés pour comptes réclament à présent leur dû. Le mouvement Black Lives Matter n'est que le début d'un processus de réappropriation des droits d'une partie de la population qui a été sous le joug de la persécution de ces blancs qui manifestent aujourd'hui devant les institutions américaines.

L'aventure humaine est faite essentiellement d'oppressions. Les classes et les races « supérieures » ont fait leur temps et si ceux qui les composent prennent les armes, ce ne sera que pour un pitoyable baroud d'honneur. Le système craque de partout et les comptes vont se régler dans le sang car c'est ainsi qu'on arrache les privilèges à ceux qui s'en estiment légitimement possesseurs.

Je suis né au 20ème siècle, après les deux guerres, dans une période plutôt insouciante, comparativement, et me voilà au 21ème, spectateur d'un effondrement.

J'essaye de me maintenir à flot psychologiquement, comme la plupart des gens, mais il y a des jours où mes forces m'abandonnent et le malaise que je ressens devient physique, comme si dans mes veines courait un poison envahissant mon corps tout entier. Tout ça, tout ce qui nous entoure est la négation de la vie. Comment peut-on supporter une telle noirceur ? Je me rends bien compte que je ne résisterai pas, que ma fragilité ne m’emmènera pas bien loin. Elle me permettait à peine de tenir debout il y a quelques années, avant que le monde ne déraille complètement. L'affrontement est inévitable puisque le partage est impossible et il n'y aura pas de reddition. 

À quoi se raccrocher ?

Il ne faut peut-être pas prendre la vie trop au sérieux. Après tout, on nait, on s'agite et on meurt. Cela ressemble à une farce.

Pour l'instant,

Je suis là,

Mon cœur bat,

Et je respire.