Hors de mes murs

J'ai passé beaucoup de temps dehors hier. Il faisait très froid. Un froid sec. J'ai d'abord dû m'occuper de mon balcon puis j'ai ressenti le besoin d'aller marcher dans le parc de Prévessin, à quelques kilomètres de chez moi. J'y ai croisé peu de monde, quelques joggers, quelques couples, des parents surveillant leur progéniture qui se défoulait en hurlant aux jeux de plein air. Le sol avait gelé et la boue qui recouvrait par endroit le chemin était dure comme du béton. La petite mare artificielle du parc semblait étouffer sous une fine couche de glace et je me suis demandé ce que peuvent bien devenir les grenouilles dans des conditions pareilles. Quelques branches avaient été arrachées aux arbres alentour pour être lancées sur cette eau gelée. Un truc de gosse, une envie irrépressible.

Je vais souvent me promener dans ce parc car mon regard à besoin d'espace, besoin de se fixer sur autre chose que les murs de mon appartement. Et puis les arbres sont beaux. Surtout les cèdres, immenses. J'ai envoyé la photo de l'un d'eux à mon ami Libanais vivant en France. Un clin d'oeil. Sa famille est restée là-bas.

Je sirote mon deuxième double expresso. Difficile de trouver de véritables raisons d'attaquer cette journée. J'essaye au moins de ne pas m'endormir alors que tout me pousse à rester au lit. J'attends le printemps, je crois, pour me sentir un peu vivant, pour faire deux ou trois petits projets, pas grand chose, juste de quoi saliver un peu. On a besoin de ça, de quelques jalons.

Vivre l'instant présent, seul, des mois durant, à quelque chose d'exténuant. Je dois à ma mère le fait de ne pas avoir sombré. C'est vrai qu'on s'est vu souvent, qu'on s'est soutenu.

Ce virus est une expérience inattendue, une leçon. J'ai fait le tri, établi une hiérarchie pour ne considérer que les choses essentielles et me détacher de ce qui m'encombrait. Enfin, disons que je suis sur cette voie-là. Le temps passe et j'ai encore des choses à faire dans cette vie, des changements à opérer, en moi.

Un feu de cheminée artificiel crépite sur mon écran, sans chaleur, sans fumée, sans odeur, symptomatique de notre époque où des humains paumés déambulent dans un décor en carton-pâte et tombent malades.

Un vaccin ne suffira pas à nous rendre notre liberté. Il faudra mener d'autres combats, intérieurs, se laisser assaillir de questions, comme si cela constituait une réponse.

Douter, toujours.