Lorsqu’on avait assez marché à travers la ville,
Assez ricané pour des riens,
Assez bu de vin, de bière, et d’eau aux fontaines,
Assez fumé de blondes,
Assez refait le monde,
Lorsqu'on avait fini de gueuler en l’air notre colère,
De chercher des noises aux bourgeois,
D’être malades à en crever,
On allait sous le pont de la gare Cornavin libérer
quelques mobylettes de leurs chaînes.
Et nous voilà partis pour la France, sans casque, sans un
rond, sans cervelle.
Assis sur nos engins, gelés jusqu’aux os, on ne pensait
qu’à une chose,
A ce lit presque d’hôpital dans lequel on se glisserait, où
tout tournerait, pour tomber dans un abîme sans fond.
Au réveil, nos têtes douloureuses exigeaient des
promesses d'eau et d'air purs.
Vaines,
Toujours.
Texte tiré de « Mémoires polaroïdes » de Thierry Fraisse.
Illustration de Marc-Aurèle Versini.