La génération du bruit

Voilà des enfants qui débarquent dans mon café et avec eux les pleurs, les cris, les gesticulations. Juste au moment où je me décide à écrire. Je mets mon casque sur mes oreilles pour écouter la regrettée Amy mais elle peine à couvrir le charmant vacarme de cette marmaille. La façade de l'ancienne mairie est inondée de soleil. Son horloge sonne 11 heures. Je vais m'en aller pour profiter de la lumière, pour chercher du calme ailleurs qu'ici. Des éclats de voix me caressent dans le sens inverse du poil. L'angoisse que je développe par rapport à certaines nuisances sonores me renseigne sur mon état de santé mentale. Aujourd'hui est un jour de grande sensibilité. Je dois me mettre à l'abri des bruits anarchiques.

Des gosses arrivent sans discontinuer. L'endroit se transforme en jardin d'enfants. Les mamans et les papas semblent venir pour comparer leurs mouflets comme s'il s'agissait de pièces de collection. Je devrais essayer de dépasser mon anxiété et me dire que ces cris ne sont que de doux chants d'oiseaux. Je pourrais aussi comparer les chocs des jouets sans arrêt jetés par terre à un solo de djembé dans la brousse africaine. Mais il est dur de dépasser la rudesse du son...

Il est midi. Le café retrouve un calme relatif. Je suis resté, pour finir. Les bébés calés et emmitouflés dans leurs poussettes sont partis engloutir des biberons cancérigènes au bercail. L'un d'eux est resté et fait de la résistance en pleurant sans discontinuer.

Je n'ai pas d'enfants et je serais bien incapable d'en avoir. Ma fragilité n'est pas compatible avec la patience que cela nécessite. Et puis j'aime bien ma tranquilité. On taxe d'égoïstes les gens comme moi qui n'ont pas de descendance mais comment peut-on être égoïstes par rapport à des êtres qui n’existent pas?

J'ai tout de même conscience que faire un enfant est une des choses les plus belles qui puisse arriver dans une vie. Encore une expérience magnifique à côté de laquelle je suis passé.

A croire que je le fais exprès...