Me voilà sur la grande terrasse du golf, transpirant dans un vieux K-Way, la gorge enroulée dans une écharpe multicolore et une casquette vissée sur la tête. Le peu de soleil qui filtre à travers les nuages suffit à me cuire. Je sors petit à petit d'une crève printanière. Il y a longtemps que je n'avais pas été malade physiquement. Étrangement, c'est depuis que mes maux de gorge ont commencé que l'angoisse et la déprime m'ont lâché. Je me dis que c'est peut-être dû au paracétamol ou aux pastilles contre la toux, ou alors à l'arrêt de ce poison de sédatif. Ça fait une éternité que je n'avais pas connu une aussi longue période de paix. Je me prends même à rêver d'une guérison complète et définitive, d'une seconde jeunesse. Des joies anciennes remontent à la surface. Je ne me souvenais pas de ces sensations qui datent de mon adolescence, de mon voyage en Afrique. Ça me met dans divers états mystérieux et jouissifs. Les décharges d'endorphine engendrée par ces expériences affectives retrouvées, je pense, m'éloignent de la maladie mentale, au même titre que la tristesse m'y enfonce. Je traverse un désert depuis plus de vingt ans et les oasis furent rares. Pour la première fois, cet après-midi, j'entrevois la possibilité d'une rémission. C'est sans aucun doute faire preuve d'un manque de lucidité mais qu'importe. La véritable folie n'est-elle pas de se résigner au malheur en anéantissant tout ce qui nous reste d'utopie ? Au fond de moi, je sais que je vais retomber dans des angoisses fortes, dans les noirceurs de la déprime. Cette période est une éclipse, un phénomène éphémère.
Pourtant, sur cette terrasse, je suis bien et je n'ai plus peur.
Je me fous de la durée et de la mort.
Je vis.