Je me souviens très bien du caractère hypnotique de ce happening lumineux kitchissime sur la façade d'une HLM de ma ville. Tout un monde, immonde diraient certains, dégueulait tendrement du balcon de cet adepte de l'art brut des fêtes de Noël. Des peluches et des poupées cuculs en diable étaient collées les unes aux autres et tentaient de s'entendre afin de satisfaire les désirs d'harmonie et d'esthétisme de leur propriétaire déjanté. J'ai stoppé ma voiture sur le parking de l'immeuble et sans en descendre, de peur de passer pour un moqueur ou pire, pour un admirateur, j'ai pris quelques photos de ce chef-d’œuvre avec un zoom vissé sur mon reflex. Cette crèche, probablement confectionnée sous acide, était comme un rayon de lune dans cette société morne et formatée. J'ai pensé qu'il existait encore des fêlés dans ce monde, osant exhiber le fruit de leur névrose comme ils montreraient à qui veut le regarder, leur furoncle mal placé. Entre les Teddy bears, Barbie au ski et les mini nains de jardin, difficile de savoir avec certitude qui jouait le petit Jésus, Marie ou les Rois mages. J'ai laissé tout ce beau monde partouzer gaiement et suis rentré chez moi où je ne m'étais même pas fendu d'un sapin. Mon balcon me paraissait vide subitement. L'athéisme dispense ceux qui en sont atteints des messes matinales mais les prive aussi de la réalisation dans la joie et l'excitation toute chrétienne d'une bonne vieille crèche clignotante et moderne.
Enfin, ne rien faire, c'est bien aussi.