Hypocondrie

Je suis toujours étonné de me réveiller le matin, vivant, comme si je ne faisais pas trop confiance à mon coeur pour battre tout seul durant la nuit, comme s'il avait besoin de mon attention pour le faire... Je dors avec des boules Quies depuis des années, ce qui fait que j'entends sa pulsation régulière avant de trouver le sommeil. C'est idiot mais je me dis parfois qu'il n'a pas plus de raison de battre que de s'arrêter. On ne décide pas pour lui, de toute façon. En même temps, ce serait trop facile de pouvoir choisir d'en finir en mettant son cœur sur off. La tentation serait trop grande. Et puis je ne veux pas mourir. Pas encore.

Mon pouls peut descendre à 45 au réveil, lorsque je suis encore allongé dans mon lit. En bon hypocondriaque que je suis, ce paramètre m'a amené, il y a peu, à consulter. L'électrocardiogramme n'a rien révélé d'anormal. La cardiologue n'avait pas l'air étonné plus que ça et m'a renvoyé dans mes pénates en me faisant comprendre que je m'étais fait du mouron pour une chose dont je devais me réjouir. Tout le monde ne peut pas se vanter d'avoir le cœur de Zatopek... Certes, mais je pars du principe que les cimetières sont truffés de gens qui n'y seraient pas encore s'ils avaient daigné consulter... Ceci étant dit, je fais partie de ces malades imaginaires raisonnés qui ne vont chez le médecin que lorsqu'il y a vraiment anguille. En gros, je prends énormément sur moi et pourtant j'ai tout eu : cancers, SIDA, Alzheimer, Parkinson, j'en passe et des meilleurs, la bradycardie étant ma dernière trouvaille. Je me voyais déjà avec un pacemaker, sous traitement... Lorsque quelque chose m'inquiète à propos de ma santé, je finis par aller sur le net pour mettre un nom dessus et je choisis toujours la plus atroce des pathologie. « L'anxiété, ce fanatisme du pire » disait Cioran. Je ne sais pas être raisonnable en ce qui concerne mon état physique. Le moindre bouton sur ma peau a une odeur de sapin. C'est ainsi que l'angoisse se manifeste chez moi, entre autres, car elle emprunte différents chemins. Comme l'eau, elle infiltre tout, se répand, choisi des modes d'expressions inattendus, parfois surprenants.

Avec l'âge, j'ai fait beaucoup de progrès malgré tout. J'ai appris à relativiser et à banaliser un peu mes symptômes. Mais on ne se refait pas. Je mourrai hypocondriaque, probablement d'une maladie à laquelle je ne m'attendais pas, une vraie, cette fois... À moins que je sois victime d'une mort violente, ce que je ne me souhaite pas. C'est vrai, se faire du mauvais sang toute sa vie pour sa santé et claquer d'un accident de la route ou que sais-je encore, c'est trop injuste ! À quoi toute cette angoisse aura servi, alors ?

Je veux pouvoir faire graver sur ma tombe :

« Je savais bien que j'avais un truc... »

Rien

https://www.youtube.com/watch?v=qqMZVQcMuTo